mardi 19 janvier 2010

Qui dit l’être dit l’énigme


(Août 09 – 3 pages – modifié : Octobre)

Qui dit (l’)être dit l’énigme
« Je pense, donc tout est cognoscible ? »


Je fais ici une parenthèse au « bras de mer ». Pas de confrontation à tel texte ou auteur, mais une mini synthèse de quelques mots-clefs qui animent ma pensée. Pas de communication choisie, non plus : j’ai voulu mettre les choses à plat et tenter une articulation logique. J’essaierai peut-être un jour une allégorie, plus avenante.

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Entre la pensée « je suis » et la croyance que tout est cognoscible, un pas a été franchi et officialisé depuis longtemps parmi nous. Je le remets ici en question.

Un cheminement de pensée :
« Je suis donc tout dit » est la contraction de :

« Je suis donc je dis, 1
Je dis donc tout dit, 2
Je suis donc tout dit ». 3

C’est là ce que je pense, et l’on voit peut-être je m’arrête. (Là où d’autres hommes en étaient, sans doute, il y a bien longtemps)
Mais les hommes ont donné à « la pensée » un statut tel que chacun de nous peut dire : « Je suis, donc tout me dit ». C’est là, à ce qu’il me semble, la contraction de :

« Je suis donc je dis,
Je dis donc tout dit,
Je suis, je dis, donc tout me dit ».

Cela fait une différence. 4


Ma proposition contractée :
« Qui dit ‘‘présent’’5 dit – en relation. Qui dit ‘‘indissolublement en relation’’ dit – est relation. Qui dit ‘‘est relation’’ dit – fait exister. Qui dit ‘‘fait exister’’ dit – croit. Qui dit ‘‘croit’’ dit – Existants (« en face »). Qui dit ‘‘Existants’’ dit – communication (d’un être à l’autre). Qui dit ‘‘communication’’ dit – faire-croire. Qui dit ‘‘faire-croire’’ dit – savoir-croire. ». (Et plus loin : qui dit ‘‘savoir-croire et communication’’ dit – inter-dire. )
Je dis ce qu’il me semble.

Ce que j’en dis :
1) Tout ce qui est est présent.

2) Tout ce qui est est en relation. Si cette relation est indissoluble, 6 je ne peux dire « il y a » relation mais : « tout ce qui est est relation. »

3) Si je cherche une continuité de la matière inerte à la vie, 7 elle réside à coup sûr dans cette formelle relation. A un « certain stade », dirais-je, la matière est douée de certaines « propriétés » supérieures. Elle est plus « riche » en Existants de toutes sortes. 8 Ceux-ci se font en nombre toujours plus grand, s’empilent en quelque sorte – et finissent par élire un Existant parmi eux : un « centre », un « roi », un « moi ». Alors ils s’organisent autrement :

C’est de la vie. 9

4) Dans la mesure où à la fois les propriétés de la matière inerte et ce qui existe pour tel ou tel être vivant sont tous deux, chez l’un et l’autre, une façon de faire exister, je dois pouvoir nommer cette relation – du point de vue de la substance de l’un ou de l’autre : 10croire.

Croire, c’est faire exister.

5) Tout ce qui est croit en des Existants qui le déterminent et – le définissent. Ils le « signent ». Ensemble ils sont l’être dont je parle.

« Laisse-moi découvrir tes propriétés de toutes sortes
Et dis moi encore tout ce que tu crois,
Je te dirai qui tu es. » 11

6) Par suite, la relation se précise. Relations aux autres êtres ; chez les plus riches, par le biais d’une communication. Communication qui consiste à 12 faire croire (à d’autres êtres) en son objet (voire à / en son auteur).

7) Mais l’ensemble de la communication aux deux échelles, individuelle et collective, pour peu qu’elle nous apparaît à son tour comme un Existant en tant que tel (par exemple dans la perspective d’un panthéisme ou d’une sociologie), semble échapper à chacune des communications particulières (dont celle faite à soi-même : réflexion, représentation). Elle semble procéder d’une cause (d’un fonctionnement, tout du moins) plus large que la conscience du sujet individuel ou de la somme de celles que l’on pouvait croire la composer. Un savoir-croire est manifestement à l’œuvre qui, par-delà les plus riches des êtres, même, se joue « au besoin » de leurs consciences et les guide. 13

« Ou bien tout pense, ou bien l’homme ne pense pas. » 14
Début de l’énigme

Début de l’énigme de l’être sans savoir (et même sans penser), doté simplement de savoir-faire, d’un savoir-faire qui se passe volontiers de conscience de soi et qui, dans le cas de « l’homme », sait encore y faire. 15


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Pour le dire autrement :
- Croire est le mouvement qui porte tout être-au-monde (ou présence) vers des Existants, SES Existants. Croire est le mouvement de la relation qui définit l'être, toute présence.
- Faire-croire est le signe de toute présence, le signe qu'elle est présence pour (selon) quelque autre être-au-monde, c'est-à-dire qu'elle Existe. Faire-croire est la communication de tout dire-être. Son acte de présence. (l'être acteur)
- Dire-être c'est dire par sa présence (parce qu'on est), c'est le dire même de chaque présence en tant que telle : son croire et son faire-croire mêlés. La conscience de soi dont se vante l'homme arrive plus tard, trop tard pour n'être pas que le bras armé d'un inter-dire : elle confond en effet dire-être au monde et son droit d'expression au sein d'un espace intersubjectif humain créé de toutes pièces (mondain), l'inter-dire.
- Savoir-croire est le nom donné à l'hypothèse d'un savoir-faire, inhérent à toute présence, en matière de croire et de faire-croire. C'est-à-dire en matière d'être : ce qui nous maintient en présence. 16 Le savoir-croire est individuel, mais bien plus encore à l'échelle d'une espèce. Il peut évoluer ici ou là. Savoir-croire est en quelque sorte notre objectivité ontologique même, fut-elle aveugle : par exemple, il a imaginé notre conscience de soi humaine mais semble en jouer, comme si celle-ci n'avait pas été un cadeau du ciel (ce que les hommes croient volontiers), mais l'objet d'un pur marchandage ... Ne se peut-il qu'elle ne soit que sa part de conscience en nous, corps de présence ? (Evidemment, j'en parle ici de la sorte pour des besoins de communication) 17

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1. « Je suis, c’est pourquoi je dis. » Sans quoi je ne pourrais pas même dire « je suis ». La proposition est réversible : « je dis, c’est bien la preuve que je suis. »
2. Puisque, comme moi, tout est. « Si je dis c’est que je suis. Par conséquent tout ce qui est dit aussi. »
3. En quelque sorte : tout ce qui est fait signe. Quant à prétendre qu’un être au moins perçoit tous ces signes … : évidemment non.
4. Dans le premier cas, en effet, je conclus de moi à l’équivalence en dire des autres présences. Equivalence ontologique. Dans le second, je conclus de moi et de je pense à un savoir possible sur tout ce qui est. Fut-il être « comme moi », tout m’est alors cognoscible.
5. Présent au monde. (Je ne nie pas l’existence du monde)
6. Ici s’arrête mon constat. A partit de là, je raisonne ‘logiquement’. Un « Logos » est donc là encore parmi mes Existants, qui me permet de poursuivre. (La relation est-elle cause ou fait concomitant ? Peu importe.)
7. Du simplement présent à la vie présente.

8. Existants qu’elle fait exister / avec lesquels elle est en relation / puisqu’elle y « croit ».
9. Le « moi » : un Existant parmi d’autres. (A qui tout n’est pas « rapporté », quoi qu’il en … croit – comme le moi de l’homme ici en ligne de mire). Quand je dis « finissent par élire … », je fais allusion au dernier terme : le savoir-croire inhérent à tout être, lequel savoir-croire est précisément l’objet de l’énigme * (« Comment ! ça sait croire au point de créer de la vie et du « moi », et ce sans même penser !? »)
10.  Substance qui me fait dire : « un » homme, « un » arbre », « il y a relation », etc.
11. C’est dire, s’agissant d’un homme, l’étendue de son identité ! C’est dire aussi le peu signifié quand on dit « connaître » un homme. Mais bon, la communication a d’autres règles que celles de l’être au monde. A commencer par l’idée de ladite « substance ».
12. Fonction et vocation, si l’on veut.
13. « Esprit de la nature », « Nisus », « Inconscient », etc., s’en apparentent. L’expression « savoir-croire » a de multiples avantages sur ces expressions. (à suivre).
14. Formule provocatrice à dessein. Il s’agit de considérer que notre penser (sans même parler de notre Pensée !) n’est pas ce que l’on pense. Elle est un croire parmi d’autres et fait partie d’un savoir-croire (d’aucuns nomment celui-ci comme il est dit plus haut) qui seul expliquerait donc le monde. Le savoir-croire est alors le détracteur en amont de notre croyance en une pensée capable de comprendre (absolument) le monde. Il est juste au-dessus d’elle, comme le genre (croire) en regard de l’espèce (savoir). Transcendance ? Immanence ? - quelle différence au vu de l’énigme ? Invoquera-t-on ici la nature ? - mais si notre penser (et pensée) est véritablement sécessionniste !?* Dire que ce « savoir-croire » est toujours bien inspiré (à la Hegel : tout ce qui est réel est rationnel et inversement)) équivaudrait à dire le bien-fondé de nos illusions en matière de savoir. Ce n’est pas mon propos que de juger d’une métaphysique. Je pose simplement l’énigme d’une « nature » (ou tout ce que l’on voudra) qui fait tout comme si elle pensait. Aime-t-elle ainsi se cacher derrière un penser impensable pour nous ? Je me rabats sur cette analyse : le cadre de nos relations par le dire – l’inter-dire – fait de notre communication et de notre compréhension ce qu’elles sont. L’inter-dire justifie notre savoir (et au-dessus de lui notre savoir-croire). Mais il ne résout pas l’énigme.
15. Je ne dis pas un savoir, peut-être de l’être. C’est pourquoi peut-être on ne comprendra pas ce que je dis là. J’en suis conscient et j’assume. Si je suis un jour célèbre et vivant, je tiendrai davantage ma langue ou dirai ceci plus joliment. ;-)
16. Qui écarte si possible la dépression d'être.

17. NB/ Il n'y a de psychologisme dans tout ça qu'en vertu de ce qu'a décidé le paradigme humain bâti autour du savoir : il a relégué le verbe croire – et donc toute relation individuelle – à de la croyance, à du subjectif. Savoir-croire : la compétence des systèmes dont parle Luhmann ? Par ailleurs, « La pratique pense pour nous » est une façon de dire ce savoir-croire.

2 commentaires:

  1. Seulement un point de départ, une amorce. La suite pourrait se focaliser ainsi sur la créativité naturelle de tout être-au-monde (y a qu'à voir) et, s'agissant de nos institutions et de nos relations humaines, nous pousser à nous interroger sur leur fixité (avatars de l'Etre) et leurs fixations maladives (Moi, savoir, homme public et commercial, etc.)

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